Texte et photographies de Didier Cottet

Mohamed Ali Abdel Rassoul

6h30 – Avant que le soleil ne soit trop haut. Mohamed, notre voisin et propriétaire, propose de visiter ses cultures. Mais à sa grande surprise, personne ne s’affaire dans les champs. Lorsque nous approchons du site des colosses de Memnon, un policier gesticulant nous interpelle à grands cris. Nous devons quitter les champs sans délai ! Personne ne doit rester hors contrôle, encore moins un « khawaga » équipé d’une caméra. « Madame Sissi », Victoire de son petit nom, est en croisière aéroportée dans l’un des vingt « balloons » qui crachent leurs torches de gaz au dessus de nos têtes.

Au retour, Mohamed invite Kathrine, Loïc, Valentina à entrer chez lui. Grande pièce de réception, un peu sombre. Le portrait de Ali, le père de Mohamed, trône sur un mur. Ali était le proviseur de l’école du village, sa famille habitait, comme les autres, au sein de la nécropole des Nobles. En 2008, il a dû quitter sa maison vouée à la démolition et s’installer dans ce qui était jusqu’alors « l’atelier de Golo ».

Ali est décédé il y a 3 ans, laissant sa femme et 4 enfants, dont 2 en bas âge. Du haut de ses 30 ans, Mohamed doit porter la responsabilité de la maisonnée et des cultures familiales. Un poids qui même au sens propre pèse sur ses épaules. Un poids décuplé par l’appartenance au clan Abdel Rassoul, inséparable de l’histoire de Gurnah depuis des générations.

Workshop at home

Dans la Maison de Gurnah, chacun occupe un espace de travail plus ou moins formellement. Ces espaces peuvent être mouvants, au gré de la journée ou du type de travaux. Cela peut être devant la maison ou dans le patio, mais le plus souvent à l’intérieur. Valentina a investi le salon, un lieu qui lui permet de surveiller les mouvements… On ne sait jamais si une sucrerie venait à passer. Loïc a concentré son activité au premier étage, plus calme, où en cas de besoin il peut suspendre ses aquarelles ou ses encres. Parfois, il est rejoint par Rojer et ses acryliques ou ses collages. Katrine partage couramment le bureau de Golo, c’est là que se trouvent également le scanner, la box et la bibliothèque. Mohamed Wahba, dessinateur « tout terrain » affectionnait de s’isoler sur la table à dessin dans l’entrée, parfois une nuit entière. Depuis son arrivée Mohamed Salah promène ses carnets, sa rouleuse et sa tablette, selon son envie, un peu partout dans la maison. Choaib, ami de Golo depuis son enfance, encouragé par Katrine s’est lui aussi piqué au jeu du dessin.

Mohamed vs Mohamed

Il y a quelques jours Mohamed Wahba a repris le train pour rejoindre Le Caire. Avant de partir il a dédicacé l’un de ses livres à chacun des résidents. Par le même train est arrivé Mohamed Salah (pas le footballeur, mais le dessinateur lauréat de « Cairo Comix 2018 »). Il était accompagné de Susan Bent Fatmah, jeune femme, rencontrée lors de « Cairo Comix », qui réalise un documentaire sur le Comix en Egypte. Susan est restée 2 jours pour réaliser des interviews et accompagner l’équipe. Mohamed Salah avait participé aux ateliers bande dessinée que donnait Golo à l’université américaine du Caire en 2002, il va rester à Gurnah une quinzaine de jours, il alterne les visites et les échanges et a d’ors et déjà un projet de fiction pendant sa résidence.

À suivre…

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