Dans ma tombe de pierre, je m’enferre dans le silence, longtemps.

Je sais que je ne teindrais pas. Mais je tente. Je dois tenir.

Je m’enferre dans le silence et la nuit.

(Ici, vous devriez vous inquiéter de la manière dont je suis installé, comment je vis, avec toutes les contingences inhérentes à notre condition, dans cette ruine froide si loin de tout, à l’abri de mes contemporains. Mais ne comptez pas sur moi pour vous expliquer qu’on peut être ermite, avoir oublié de se raser barbe et cheveux depuis son arrivé, et pourtant être très bien installé, et même équipé technologique avec des choses que vous n’imaginez même pas.)

Je suis persuadé que ces militaires me cherchaient. Pourquoi ? À plus d’un titre, ils pourraient.  Alors, je resterais terré aussi longtemps qu’il faudra pour les fatiguer. Ici, c’est un labyrinthe. Je peux pourtant le parcourir les yeux fermés. Alors, les yeux fermés je glisse contre les murs, goutant la texture minérale du bout des doigts. Je me plais à glisser ainsi follement d’une salle à l’autre, d’un couloir à l’autre, avec le danger de sombrer à tout moment dans une faille, oui, car avec le temps, des gouffres se sont ouverts à l’intérieur même du réseau troglodyte.

Je m’enferre, mais ne croyez pas que tout soit rose. Je passe ici par des tourments, comme vous et moi, sauf que vous, vous êtes rarement seul.

Alors, quand il arrive que mon interne soit râpeux, râpeux et sanglant, brûlant et parasite, je tente de calmer l’irritation intime par une violente confrontation physique avec les irrégularités des parois les plus profondes, aux arrières fonds des arrières fonds de l’antique bâtiment, ces lieux sans fard, sans apprêt,  taillés grossiés avec d’antiques outils à main.

Je m’enferre, car il n’est pas question de tomber dans le premier piège venu. Ne surveillent-ils pas mes quelques connaissances ? Les gens que je visite parfois ? Mes amis de boissons ? mes relations de sexe ou de discussion ? Le libraire de la vallée ? (J’appelle ça une vallée, par opposition à ma position dominante, mais ce n’est pas une vallée géologiquement parlant. C’est juste un peu plus bas que le flan vers la cime auquel je suis accroché, c’est là où est la petite ville avec le centre administratif de ce coin perdu. Et puis j’ai adopté les idiotismes des autochtones, qui se foutent des géologues. Ici est un monde en soi, un monde immense qui semble ne jamais se terminer, un monde qui ignore royalement le reste du monde, plus bas, plus plat.)

J’ai tenu très peu. Je ne suis pas un moine. Mais je voudrais vous y voir, vous ! Le risque ? Une part de moi, fatiguée de l’isolement, me dit que je le mesure.

J’hésitais ensuite : suivre la pulsion, partir vers les cimes par les pistes escarpées pour chasser le Yéti ? Ou descendre encore sur l’autre flan et rejoindre Popo ? Popo, c’est une collègue de Lasya, mais en moins curieuse, c’est la Pénélope d’ici, mais en moins curieuse…

Vous savez, cette pénélope qui sous-entend dans sa dernière lettre que tout ce que je vous raconte est une pure invention. Je ne vous conseille pas de croire sur parole une fille qui ne s’appelle même pas vraiment Pénélope.

Mais faites comme vous voulez…

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