J’ai trouvé une lettre de Pénélope. L’ultime, dit-elle. Étrange.

Je ne l’ai lu que très superficiellement, car je l’ai découverte au matin dans les gravats nouveaux du petit tremblement de terre qui a failli m’ensevelir une bonne fois pour toutes. Mon domaine ruiné ne s’en trouve pas arrangé. J’en fais le tour pour estimer les dégâts, savoir ce que j’ai perdu en matériel, et m’aventure dans le dernier couloir, celui qui s’arrête au coeur de la roche.

Celui-là même qui me sert de caisson d’isolation sensoriel, parfois.

Au bout du couloir sombre, à la lueur de ma lampe, je découvre une faille nouvelle, sur la paroi gauche, une faille assez large en haut, et qui se perd en zigzag vers le sol comme un long éclair d’orage figé.

Lorsque j’écarte le faisceau de ma lampe, laissant les ténèbres manger le mur, je découvre que cette faille luit faiblement, presque imperceptiblement. Intrigué, je jette un oeil, mais je ne vois rien. Revenant vers mes quartiers, je récupère une longue ligne de bambou, une microcaméra wifi que je scotche au bout avec une petite lampe. J’emporte le tout avec le portable, et j’enfile délicatement le bambou dans la faille.

Oui, bon…

Je tente de ne pas coincer la tige, cherche l’angle, avance encore en surveillant l’écran. J’explore jusqu’à brusquement déboucher sur une cavité. Mais avançant encore le bambou maintenant plus libre, je distingue clairement une autre paroi.. Une paroi lisse, sans décoration, mais clairement taillée par des mains humaines. Tapant dans la paroi, je plie le bout de la caméra, et en tournant le bambou, je peux découvrir l’environnement. C’est un couloir, un couloir inconnu, un  couloir en pente légère qui s’enfonce vers le coeur de la montagne et qui se perd rapidement dans l’obscurité. De l’autre côté, dans le sens de la surface, je ne distingue pas grand-chose sinon que c’est bien de là que vient la lueur du jour.

Un mystère ! Ce tremblement de terre me dévoile une galerie nouvelle parallèle à celle que j’emprunte. Une galerie qui semble déboucher dans mes quartiers sans que jamais je n’aie pu en soupçonner l’existence !

Au temps déjà lointain de ma première exploration du lieu, j’avais scannérisé la fin du tunnel le plus profond, pour savoir s’il s’arrêtait bien ainsi, brusquement interrompu, mais je n’avais pas sondé sur les côtés. Pourquoi l’aurais-je fait ? Comment aurais-je pu deviner qu’un couloir parallèle s’enfonçait plus avant dans la montagne ?

En revenant vers mes quartiers, alors que trois avions de chasse russes passent le mur du son, comme après chaque microsecousse du socle continental (ils font ça par provocation), je passe devant le matériel que je venais juste de préparer, car je comptais bien, enfin, partir explorer les cimes ! Oui ! J’étais enfin prêt à me frotter à la haute montagne et à mon obsession ! À l’instant même du tremblement de terre, j’allais enfiler ma combinaison et arpenter la caillasse glacée jusqu’à trouver cette femelle Yéti !

Je regarde encore le tas de matériel, bien aligné, bien rangé, qui m’attend, qui n’espère que l’aventure, et je ressens un étrange flottement interne. Mon esprit part comme une flèche (et je sais que c’est loin de la réalité de la pesanteur de mon corps, de la faiblesse de mes muscles, de la lenteur exaspérante de chaque pas à cette altitude, mais dans mon esprit, je grimpe à la vitesse d’un avion de chasse russe). Donc, mon esprit part vers les hauteurs, déjà, et quelque chose, dedans, se tord, se tourne, s’écarte et s’oriente vers ce sombre couloir secret…

Monter ou descendre ? L’âme humaine est ainsi faite qu’elle choisira toujours le moindre effort…

Encore une seconde de flottement, et la décision se prend. Pas vraiment décision, mais pulsion, réaction devant l’évidence : je dois trouver où démarre ce couloir, et je dois l’explorer.

Je dois savoir jusqu’où il plonge, et pourquoi.

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