Les espoirs sociaux / insurrectionnels / révolutionnaires portés par Nuit Debout ne trouveront pas de levier sans une analyse historique de ce qu’il s’est passé en France, comme ailleurs, depuis 1789.
Que ce soit l’embourbement de la révolution française dans la terreur, les différentes révoltes et régimes entre 1804 et 1870, la Commune, la révolution bolchévique, les grèves de mineurs et la révolution asturienne dans les années 30 (plus de 3000 morts), et récemment le printemps arabe… Les insurrections sont généralement réprimées dans le sang ou récupérées politiquement, toujours par le même genre d’élite.
N’ayons pas l’insouciance voire l’arrogance de penser qu’ici et maintenant ce sera forcément différent.
Alors comment le peuple deviendra-t-il souverain ? Quels actes poser ensemble, dès maintenant, pour retrouver une démocratie réelle et appliquer nos revendications ?
Je ne dis pas que c’est impossible, loin de là. La difficulté est simplement à la hauteur de l’enjeu.
À cet effet je vous invite chaudement de lire les deux articles suivants, qui se répondent et qui cernent très bien ce à quoi nous devons tous nous préparer.
– La chronique de Sophie Wahnich « En peuple souverain, réinventer l’insurrection de la loi » publiée il y a trois jours.
– La réflexion de Giorgio Agamben « De l’état de droit à l’état de sécurité » publiée en décembre dernier.
Pour terminer, je fais ricocher ici un peu des « Premières mesures révolutionnaires » d’Eric Hazan et Kamo. Excellent guide historique sur les insurrections passées jusqu’au printemps arabe, sur le capitalisme démocratique qui nous régit, sur les moyens d’agir actuels.
<< Mais partout il faut tenir compte d’un sentiment assez commun, la peur du chaos. Elle est sans cesse renforcée et exploitée par les idéologues de la domination mais on ne peut pas en déduire qu’elle puisse être traitée avec mépris. Personne n’envisage favorablement d’être plongée dans le noir sans rien à manger. Pour que l’immense force de rupture qui monte trouve le levier et s’en saisisse, la première condition est de dissiper cette peur qui existe en chacun de nous, de restaurer un rapport au monde débarrassé des angoisses du manque, de pénurie, d’agression qui font silencieusement la trame de l’existence normale. Mais surtout il faut parvenir à distinguer ces deux peurs que la domination amalgame avec soin : la peur du chaos et la peur de l’inconnu. Et cette dernière, c’est le moment révolutionnaire, ce qu’il ouvre, la joie qui ne manque jamais de l’accompagner, qui la transforment en appétit de l’inconnu, en soif d’inédit. Du reste, on sous-estime toujours la capacité du peuple à se dépatouiller dans les situations exceptionnelles. >>
– À S U I V R E –
Originaire du Nord de la France, Julie Maroh a été formée à l’Institut Saint-Luc à Bruxelles en section bande dessinée, puis à l’Académie Royale des Beaux-Arts en lithographie. Elle publie son premier album en 2010, « Le Bleu est une couleur chaude » : un long récit développant une histoire sensible et attachante sur le thème de l’homosexualité féminine et de son acceptation dans la société d’aujourd’hui. Ce livre connaît un fort retentissement, il reçoit notamment le Prix du Public au Festival d’Angoulême en 2011 et fait l’objet d’une adaptation au cinéma avec La Vie d’Adèle, Palme d’Or au Festival de Cannes 2013. Julie Maroh a récemment publié un nouveau roman graphique « Skandalon », une fable sociologique incarnée par une rock star jouant sur le fil des interdits. Suivirent « Brahms » chez BdMusic » et « City & Gender » chez la Boîte à Bulles. Elle travaille actuellement à plusieurs autres livres.
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