Plonger c’est mon fort, j’ai même appris quand j’étais gosse en ouvrant les yeux sous l’eau à voir (vaguement, mais ça suffisait) les poissons ou les crabes sans porter de masque, au travers de courants boueux ou de  vagues violentes et ensablées sur des fonds troubles. Rien, pas même une trace comme celle d’une petite auto-chenille laissée par sa progression décapodique sur le sol, l’énorme homard, aperçu une fois et une seule, ne serait donc pas familier des lieux.

Il y a plus grave que ces circonstances effacées dans le sable. Je crois avoir repéré et bien identifié la supposée inscription gravée sous la chaise en passant ma tête au-dessous, entre les pieds rouillés et légèrement tordus.

Si vous connaissiez, mais certains peut-être l’ont déjà vue, la Barra de Tijuca à l’extrême Est de Rio de Janeiro et le roc géant qui la domine, un peu en retrait et juste avant d’y arriver, que nous appelons là-bas Pedra da Gavea, vous comprendriez et peut-être allez-vous le faire.

Pendant longtemps on a cru que cette masse suspendue là-haut, en forme d’enclume vaguement identifiée à une plateforme de hune par les anciens navigateurs, était marquée d’inscriptions dans une écriture inconnue. Un jour, un archéologue s’est avisé d’y déchiffrer des caractères phéniciens à condition bien sûr de les lire à l’envers pour un latin, c’est à dire de droite à gauche. Puis, un peu plus tard, on s’est rendu compte que cette interprétation d’un supposé texte obscur gravé là sur la Gavéa et qui aurait remis en cause, très gravement, la date habituellement admise de découverte de l’Amérique, cela aurait fait remonter le temps de la « découverte » et de la prise de possession à bien avant les Vikings et Christophe Colomb (et  aussi, pareillement et secondairement, pour celle du site de la ville dénommée par les Portugais « Rivière de Janvier », située dans les textes officiels, encore légèrement plus tard, en 1502 et non pas 500 ans avant le petit jésus qui aujourd’hui la domine de ses bras étendus),

ne correspondait sans doute qu’à de profondes traces d’érosion sans autre signification que géologique;

alors voilà . . . .

on va me tuer, on me tuerait si ce jour-là je suis encore ici, vivant, nourri et blanchi, pensionnaire de cette masure du Cap Creux lors du retour éventuel du Fils de Dio ou de David son père substitutif et presque adoptif. Car voilà que moi aussi, archéologue sous-marin rectificateur, j’effacerais et désintègrerais la possibilité d’un mythe.

Avec moi, tout espoir s’envolerait de trouver une ascendance noble à cette chaise banale volée sur la Croisette . . . . . . .

. . . . . . . . . . car, oui, je l’avoue devant vous, elle ne me semble ni signée, ni désignée, ni présumée comme oeuvre d’art, n’étant ni putativement telle ni même, ce qui aurait été, a minima, une minuscule compensation, parodiée. Cette chaise, en clair, bien que déplacée de son lieu attribué, hélas, me semble, pareille à des centaines d’autres, peut-être des milliers, affreusement ordinaire et banale

Mais voilà, ce serait mal me connaître, je ne suis pas un mystificateur. . .  mais j’ai moi aussi un passé. Les hippocampes ne font pas des chiens. Les chats ne font pas de homards. Déjà ma grand-mère maternelle tirait les cartes.

Moi, Fachinero, laveur de sol et de carreaux, héros de banlieues tristes, surfeur et culturiste du Arpoador, danseur mondain à l’occasion, salva vidas à la peau colorée et aux yeux bleus, amant d’une prêtresse de candomblé et moi-même jeteur de sorts, j’ai jusqu’ici survécu de mille expédients et fréquenté le monde et compris ses us,

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