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[dropcap]J[/dropcap]e l’avais retrouvée dans mon fatras et la leur servis au repas, la ressortant de mémoire, auquel je les conviais le lendemain de cette morne journée de doutes et de méditation désabusée, cette épitaphe que Dio m’avait léguée pour que j’en fasse éventuellement bon usage un jour, sans commentaire, un jour même pas de spleen, il avait fait ça, un jour au contraire de courage et d’audace – nous venions juste de récupérer, dérobés par un méchant service de contre-espionnage clandestin à la solde de cette extrême droite qui infiltre quelques réseaux de notre maison et qui est prête a trahir avec le diable ou dieu sait qui, presque toutes les liasses de l’affaire que nous tenions sous le coude, jusque là, au cas où, mais apparemment pas assez en lieu sûr pour éviter ca.
Nous etions installés en plein air, à la terrasse de l’un des bistrots qui occupent presque toute la place de Sant Marti de . . . Regardant la facade de l’église du onzième siècle. Je ne donne pas complètement le nom de ce village, n’étant pas sûr que l’un des garçons de cette auberge n’ait pas tenté de nous écouter, ça pourra peut-etre lui éviter d’être inquiété lors d’une contre-enquête après divulgation de ces souvenirs dont certains sont encore explosifs.

Marco était de bonne humeur, d’excellente humeur.
Trinidad était assez détendue.
J’étais presque serein.

Mais je n’aurais peut-être pas dû.
C’etait trop tôt.
Une épitaphe, ça ne se lâche pas comme ça.
Il aurait fallu un préambule et aussi une sorte d’explication de texte consécutivement.
Il aurait fallu que j’en sus plus que je n’en savais.
Dio etait un sacré pince sans rire, c’est vrai, mais jusqu’à quel point ? . . . sans parler de prémonition, il n’est pas question ici de se laisser gagner par le moindre relan de superstition, n’avait-il pas voulu m’avertir avec sa desinvolte élégance ? Mais aussi avec un brin de brutalité, comme j’allais moi-même mais grotesquement, j’en ai souci un peu tard, le faire, parlant de brutalité, en leur récitant devant les « tapas » qu’on venait de nous apporter, chorizo sempiternel, crevettes avec tête mais épluchées, jambon serrano enroulé en fines lamelles transpercées d’un cure-dent, moules en sauce à l’ail, petites fêves grillées et frommage des Pyrénées affiné à point.
Oui, je leur ai jeté sur la table, sans précautions ce faux quatrin digne d’un bien mauvais tango argentin ou peut-etre du plus foireux humour d’aventurier croate :

SON COURAGE AURAIT PU LE MENER, CONTRE VENTS ET MARÉES JUSQU’AU PORT
SI PRESQUE ARRIVÉ, IL N’AVAIT DÛ SUBIR LES AVANIES DU MAUVAIS SORT
IL AURAIT PU S’ASSOIR SUR LES CIMES LES PLUS EN VUE, ÊTRE RECONNU, ENCENSÉ
S’IL N’AVAIT RENCONTRÉ AU MOMENT DE L’EMPORTER, DES OBSTACLES INSENSÉS.

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