[dropcap]E[/dropcap]t c’est moi qui vais reprendre le truc.

Moi Pénélope, puisque maintenant le sort en est jeté, je ne suis plus Trinidad, Trinidad c’est trop compliqué et compromettant à assumer. Sauf à vouloir mettre en face du somptueux et profond tableau de Masaccio la petite trinité étriquée que Marcel avant de la mettre en boîte et de la laisser choir, réalisa en ficelle. ( Parenthèse : Je ne sais pas qui va revenir là-dessus, mais sûrement pas moi, sur cette histoire de mètre étalon de Marcel qui n’a aucun rapport avec mon histoire et . . . . oui Salvador aussi fut . . . avait au moins ça en commun avec lui : fasciné par l’étalon du mètre . . . )

Oui, je vois que vous n’y êtes pas du tout, faut encore faire des efforts pour suivre jusqu’au bout ce truc qui tombe maintenant en lambeaux et qui eut pour nom « le Fils de Dio ». Où est-il passé celui-là ? Et son fils, au fait ?

En attendant c’est de moi qu’il s’agit, avant qu’on me coupe la parole au clavier à nouveau.

Je ne sais plus qui avait pensé à me faire prendre une pose christique.

Le fait est là je devais porter une croix en carton en descendant les escaliers de granit taillés dans la roche. Un Golgotha féminin et à l’envers », ce devait être, ce ne pouvait être que Guillermo qui avait dit ça, ce genre de connerie intello-inspirée-foutraque. Je vous l’ai dit, il avait un côté, et pas seulement physique peut-être, un côté clone à David en plus vieux et plus pourri-atteint jusqu’à l’os. Mais je soupçonne que l’idée n’était pas de lui, pas tout à fait. Mais de qui alors ? Peu importe. Ce devait être un sacré film . . .

Donc je devais balancer ma croix qui était assez légère, en carton creux, mais faire comme si ça me coûtait quand même un gros effort de soulever cette croix supposée de vrai bois et comme j’étais un peu athlétique ça ne posait aucun problème de simuler ce mystère troublant en plein parvis de la nature, là où terre et mer s’embrassent , s’interpénètrent et se battent à mort en gifles, cris et excavations profondes. Ensuite je devais tomber vers l’avant et profiter d’un rocher en surplomb pour plonger gracieusement à un endroit où le fond sableux était à quatre ou cinq mètres. Mais ce fut une toute autre paire de manches.

Je ne sais pas d’ailleurs ce qui m’a pris. Une rage subite. Alors . . . J’ai pris ma croix comme un marteau de tonnelier, comme un monteur de cirque tapant sur ses piquets de tension du chapiteau, comme un lanceur de marteau soviétique et j’ai commencé à décaniller mes plus proches suivants, mes boys, un à un, sidérés et incapables de réagir devant mes prouesses d’athlète imprévisible, empêtrés qu’ils étaient dans les reliefs rocheux granuleux, pieds pris dans les failles traîtresses et les rebords escarpés, ayant peur de tomber, parce qu’ils avaient peur de glisser et partir tête la première dans l’eau sans l’avoir voulu et c’est d’ailleurs un à un, car je les tapais sans ménagement, sauvagement et avec précision en faisant tournoyer ma croix-marteau, ce qui bel et bien, au contraire pour leurs intentions, l’un cogné à la nuque sans appel, l’autre sur l’échine qui craqua, le troisième sur le nez qui saigna et le quatrième sur les parties sensibles qui hurla ce qui le fit se recroqueviller et choir en rebond et roue libre plus spectaculairement encore que les autres en plouf dans l’eau glacée.

Après cet exploit, songez qu’il s’agissait quand même des « évangélistes » ou du moins s’agissait-il de ces trafiquants locaux ainsi appelés par tout le monde, appellation reprise quasi officiellement dans la presse barcelonaise et locale, de La Vanguardia à El Punt. Je les avais foutus à l’eau sans eau bénite d’un seul coup de ma croix.

Mais moi alors ?

Je sens que c’est pas fini fini cette histoire.

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