[dropcap]D[/dropcap]io était peut-être mort et nous ne trouvions rien de mieux que de parodier stupidement sa vie trépidante et héroïque avec son fils presque abandonné, comme acteur principal et un peu perdu par surcroît. Jouer ici, maintenant dans ce lieu à nouveau oublié par l’histoire, au débotté, mal inspirés et éméchés, auprès de cette baie banale, une scène qui avait eu lieu magnifiquement, bien avant cela, bien ailleurs, sur le Pain de Sucre en personne / ah ! qui dira l’obsession de cette granitique bandaison ! / au moment crucial où le Brésil se dotait d’une usine atomique dans la baie paradisiaque d’Angra dos Reis et où quantité d’experts et d’espions tournoyaient hideusement dans les coulisses de la « Massa tropical atlantica », la forêt primaire encore préservée, en ces âges pas si reculés, autant que dans la capitale naissante, détachée de Rio, du futur géant qu’était ce pays alors soumis aux pires expérience populistes et dictatoriales qui allaient se repandre sur tout le sous-continent, c’etait un peu léger.

Certes, le fils de Dio n’avait pas connu sa mère, ou si peu de temps qu’il s’en souvenait à peine. Il avait été pas mal négligé par son père et se raccrochait maintenant à moi au pire moment, beaucoup trop tard. Il fallait aller vite, je le sentais flottant, peut-être encore plus perdu qu’il ne l’affichait.
Mais surtout, c’etait clair, nous allions nous lancer dans un travail dérisoire. Chacun de nous poursuivant son rêve absurdement vain et refermé sur lui-même, passant à côté du réel et des autres comme une molle tangeante. Voyez, c’était particulièrement nul comme entreprise, même mon art de la métaphore filée en prend un coup quand j’évoque ces moments ou chacun essayait de donner le change. Mon désir de raconter en devient, du coup, mortellement filandreux et gauchi, rendant compte en vrac et mis en panne, plus piteusement que pieusement, du désarroi qui nous sasit après cette fête improvisée.

Vaines exaltations et tête en carton.

Sérieusement il allait pourtant falloir s’y mettre et que tout ça, quelquepart, comme on dit, converge ou au moins chemine de conserve.

Dio était peut-être mort comme agent mais encore vivant, bien benoîtement planqué sur une île paradisiaque, au milieu des retraités heureux, réunis et agités en groupe pour vivre encore une vie à rallonges sinon dorées, du moins . . . moins exposée que le monde autour, soumis aux grands éclatements du temps présent.

Son fils aurait voulu avant de repartir victorieusement et assuré de ses arrières, retrouver des racines, un appui, quelqu’un de confiance. Il avait l’intention d’être au moins, sinon Fellini, du moins un petit Polanski ou un Sean Penn des familles. Il ne savait pas trop, mais il avait plus encore que de l’ambition, de la rage à revendre et a projeter en images et visions, du moins, il le croyait.

Trinidad qui avait abandonné son mari, peintre en bâtiment au chômage, et ne travaillait que provisoirement et épisodiquement pour le syndicat d’initiative du village et à commenter au micro chaque jour où la mer le permettait, les attraits de la côte sur un gros bateau plein de gogos, aurait bien voulu un autre job, du style manequinat, ou même actrice porno. Tout ce qui aurait pu l’aider à sortir de sa modeste et trop mesquine condition de villageoise désargentée.

Perso, j’avais encore l’illusion, à mon âge rassis, « maturité » largement dépassée, de pouvoir arriver a me tailler une réputation plus florissante et amusante que celle du pâle et transparent agent décalé sinon decavé que j’etais devenu ou que j’avais été.

Tout cela sur un territoire déjà gangrèné par une gloire retombée en tourisme de masse et construction de petites cases blanches jumelées avec piscine minimalisée en bain japonais et façades vitrées, vendues a prix d’or aux exilés volontaires au petit pied ayant passé la frontière pour échapper aux impôts ou aux investisseurs de plus-values dérobées aux labeurs de leurs employés.

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