Il y avait eu une soit disant pièce de théâtre qui compliquait tout, c’étaient des gens de l’université, une troupe d’étudiants en hommage à un Américain qui était mort et avait accumulé des trucs comme des pneus dans des pièces pour faire des événements et à l’intérieur de la pièce, une soit disant musique pénible heurtant les oreilles en boucle avec même un peu de bizarre danse brusque et à moitié congelée. Tout ça était bien j’ose le dire chiant pour ne pas dire plus. Ils écoutaient et regardaient ça comme si c’était la messe et ils étaient tous raides debout à attendre la communion sous le haut plafond de la fondation qui avait ces fameuses ferrailles sur le toit que tout le monde a vues. Et moi j’étais un peu fatiguée de ma journée.

C’est là que j’ai vu la chaise, la première fois, une chaise bleue moche et un peu décatie. Elle était dans un coin posée en attente avec une étiquette attachée au dossier où était marquées en gros une flèche et une croix et délaissant les autres j’ai, dans ce coin obscur, après avoir vérifié qu’elle n’était pas mouillée ou remplie de colle ou de poussière, été m’y asseoir. Elle était un peu raide malgré les accoudoirs,  pas un vrai fauteuil, c’était dur aux fesses mais c’était mieux que rien.

Guillermo est venue me voir au bout d’un moment. Guillermo c’était mon compagnon du jour, il avait son petit costume noir Cerruti qui lui allait a merveille malgré son cou frêle, sa tête un peu en avant et son dos à peine déjà bossu, celui qui m’avait amené à Barcelone où il m’avait dit qu’il avait des affaires et qu’après nous allions dîner dans un endroit chic.

–  Lève-toi qu’il me dit. Ça va déplaire à Joan que tu t’assoie sur sa chaise. Il vaut mieux qu’il ne te voie pas dessus.

Je me suis levée sans rien dire et en serrant contre moi le petit sac Gucci bicolore à chaîne qu’il m’avait offert.

Plus tard dans la soirée, on avait bu tant et plus tous les vins et alcools de la comarca et de la généralité, j’ai cru comprendre que Joan était celui qu’on appelait Le Bon Apôtre ou L’Évangéliste, un type très puissant qui avait des projets pour la région du Cap décrété écolo, directement derrière Quédacas. Et aussi des idées d’avenir qui nous concernaient tous, moi y compris. Un grand projet pour la région. Mais j’ai compris aussi que Joan avait des frères ou des associés qui étaient restés au hameau de Garefigues où ils résidaient tous dans une sorte de ranch ou d’hacienda, disait-on plus richement décoré et bric-à-broc que le musée de Sigueraf que certains ont nommé Théâtre Sideraf du marquis de Pubfol.

Mais je ne voyais encore pas le rapport avec la chaise et pourquoi ce type si riche s’intéressait à une chaise si mal faite et inconfortable alors qu’il devait avoir dans un fauteuil tous les design de Charles et Ray ou Archibald qu’il voulait, même en cuir de Cordoue. Justement j’avais regardé et essayé quelques sièges italiens et autres internationaux dans un magasin sur le Paseo de Gracia ou juste à côté et je vous jure c’était autre chose que ce repose cul mal foutu peint en couleur vieille charrette avec ses soudures  sur tube.

C’était bien vrai, le soir on a mangé dans les environs dans un endroit super-classe avec des Cygnes sur le lac qui venaient te manger dans la main. On était une douzaine.  Y avait une petite grosse qui avait gardé ses cuissardes. Moi j’avais mis des vernis à aiguilles comme je porte toujours, c’est mieux pour le soir. Elle, sûr, ce devait être une pute comme moi mais pas à mon niveau.

Ils ont reparlé de la chaise et j’ai pas pu suivre. Ça les faisait rire. Ce que j’ai compris c’est que c’était la création ou au moins que cette foutue chaise avait été la possession d’un copain du marquis de Pubfol. Un type qui jouait aux échecs et qui s’appelait Marcel qui l’avait amenée en cadeau au marquis quand il était venu à Quédacas et à l’Or Pigat. Il l’avait peut-être piquée en France sur la Côte d’Azur sur une promenade ou Marcel jouait quand il allait dans le coin. Je ne sais trop comment et c’est dommage si cette affaire doit avoir une suite judiciaire comme ça en prend la tournure. Peut-être en jouant  avec un certain type dont pour une fois je crois j’ai retenu le nom, un certain Picabiau.

Enfin tout ça c’étaient des hypothèses qui les faisaient bien rigoler mes gars costardés. Le fait est que j’étais larguée des amarres dans un monde qui me dépassait mais c’était moins triste que les mecs un peu limités de la frontière.

Bon, en plus il faudra bien que je dise un mot de cette histoire qui ne me concerne pas mais qui là-haut dans des hauteurs impossibles à atteindre, vise David. Là, David m’a encouragé, pour l’instant . . . à n’en rien dire et à continuer à m’occuper de ma vie en propre sans tout mélanger.

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