Il était bien difficile de rester « objectif », ce n’est pas le mot, disons « lucide », face à une telle avalanche de sensations nouvelles et étrangement décapantes et déroutantes, vieillir de vingt ans  et gagner en perspicacité (?) ou en sénilité peut-être aussi bien, puis inopinément se sentir tout à coup de nouveau rajeuni mais . . . peut-être de trente ou quarante . . . d’un coup inexplicable et vivre après avoir vécu cela . . . ce . . . pendant (expression à prendre à la lettre pourtant) dans une époque ultérieure qui n’était pas la mienne (drôle de façon de s’approprier une catégorie, un ensemble complet qui justement échappe totalement et vous tombe dessus en bloc, vous écrase et vous remplit, . . . ah les mots sont loin de compte ! et ne nous aident pas . . .), prisonnier maintenant d’une époque que je n’avais pas déjà vécue tout en expérimentant des forces et des sens décuplés, sans parler de cette confiance et de cet enthousiasme qui va avec . . . .

Bref, être bénéficiaire ou victime de manipulations externes et internes opposées, être projeté dans une double distorsion du temps, à la fois plus jeune et plus tard. C’était avoir une bouffée de chaleur alors que le froid sibérien venait de nous gagner, c’était  bon, peut-être bénéfique si on veut mais déboussolant !

D’autant que les rêves de la nuit précédente venaient, comme si ne suffisaient pas les matériaux inhabituels constituant la perception présente, s’immiscer dans le paysage environnemental de notre périple :

(je vais essayer d’être clair, je promets)

nos propres rêves mais aussi ceux qu’on nous avait racontés, en l’occurrence ici ceux qu’avaient évoqués, parfois en images fascinantes, les autres membres de notre petit groupe, dont certains tendaient – si on s’attardait un peu sur le souvenir de ces images, si on tentait de les évoquer – à s’imposer et dans notre paume devenue écran (puisque nous avions intégré dans notre corps les accessoires que nous avions connus comme téléphones, tablettes ou ultra-portables) et parfois directement devant nos yeux dans une bande au-dessus du paysage « réel », formant une sorte de visière-écran ou une sorte de pare-soleil animé et venaient ainsi perturber gravement notre perception.

Ainsi, ce rêve de Natacha où poursuivie par une autruche, elle s’était arrêtée de courir et avait fini par la caresser quand celle-ci, de sa tête d’oiseau énorme mais pas si stupide, s’était mise à la bécoter et à lui parler. Ou celui de Charles, rêve dans lequel il avait eu l’occasion extraordinaire d’aller au Tibet voir le Dalami Lassa de là-bas

(j’ai toujours eu du mal à le dire autrement, ce qui m’a valu je crois le refus d’un éditeur bouddhiste ou apparenté qui avait accepté de me publier jusque là, un jour – mais ceci est une parenthèse qui n’a rien à voir)

remis sur son trône qui lui avait révélé dieu sait quoi, sans doute la clé d’une sagesse dont je suis personnellement et effectivement, si on va par là, très éloigné.

En clair cela ne voulait pas dire que dans ce monde déjà si compliqué nous mélangions et visionnions des têtes d’autruche et des Dalamis à tout et partout, mais disons que cet ensemble de perfectionnements perçus par nos contemporains du moment, dans cette Nîmes future à peine entraperçue et vue surtout dans ses soubassements obscurs, pour l’instant, comme tels, étaient, pour nous, des perturbations bien difficiles à maîtriser.

Vous excuserez peut-être ces remarques qui ne sont en quelque sorte qu’une tentative de reprise en main de ce récit haletant mais entrecoupé.

Et la goutte dans l’œil, direz-vous ?

J’y viens, j’y viens, je voulais éviter de vous embrouiller.

 

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