Quand il est apparu dans la grande lumière de l’encadrement de la porte ouverte sur le ciel et la mer étale, je n’ai vu d’abord que l’oiseau qui a poussé un cri, un gloussement, une sorte de rire de gorge bref. puis je l’ai vu, lui.

Je l’ai pris pour son père !

C’était, je l’ai vu tout d’abord dans la lumière lustrale et le silence du matin, l’oiseau gris à queue rouge qui battait des ailes et semblait se moquer, l’oiseau  que ramenait, posé à côté de sa tête, accroché à son épaule, le seul fils authentifié de Dio Darko Brac : Marko Brac, un peu amaigri, un peu vieilli.

. . . . . . . . après cet éblouissement, un peu de temps est passé et . . . . . . . . . .

Je sens qu’il va falloir prochainement lui re-fourguer le clavier à cet enfoiré de fils à papa, dés qu’il ira mieux, dés qu’il pourra parler, mais pour l’instant pas touche, il bafouille peu et mal et c’est pas demain la veille, il est dingue, toqué, farfa, il a un cafard dans le chou, moi je dis, frappa, lourdé du ciboulot, maboul, plus grave que parti à Istambul pour la Syrie j’vous dis, enfin . . .

Pour l’instant, à Angoulême, aucune réaction du Triumvirat qui dirige tout ça, je veux dire nos histoires qu’on raconte là sur ce truc d‘atelier de BD . . . où on peut palabrer si on veut et raconter sa vie; apparemment ils laissent filer, à bon chat bon rat, donc je continue en intérim à occuper les touches et la souris – on ne peut pas leur reprocher de manipuler ou de censurer le plateau ni le tréteau où les ratons et rats rassis dansent, ni quoi que ce soit dans cette histoire –  et sur le gâteau, cerise non négligeable,

pour l’heure, le sujet est affaibli, amaigri, pâle et sans ressort, quasiment il est mort.

Mais il a réussi à arriver, contre toute attente, et moi je bous de rage . . .

( que j’eus préféré que ce fut Dio lui-même et le voir, mon père éternel absent, géniteur fuyant hélas . . . qui tant qu’à sauter d’un rafiot à un canot ou d’un petit porteur à hélice à un autre terrain de jeu et à jouer au perpétuel barbouzé, disparu, parachuté dans ces bougres d’interventions surnaturelles, réapparu et ressuscité, au bout de ces infinis épisodes d’infiltrations, en fin d’absences longues et réincarnations après chirurgie plastique, caviardage et rebouchage d’identité ! mais ce n’est pas encore son jour au vieux père, au cher vieux lapin de Split . . . )

de retour, il serait revenu ici en stop et à pied, en passant par le port fruitier encaissé dans les montagnes qui tombent dans la mer . . . à Port-Vendre en Côte vermeille, Port-Vendre au sud du sud de la Catalogne Nord, lieu d’arrivage depuis tant de lustres de grands vaisseaux bananiers, mais comment a-t-il réussi à se faire trimbaler avec cette drôle d’odeur si forte de banane et aussi d’ananas qui flotte parfois sur Port-Vendre en l’absence de tramontane, et si on fait bien attention, odeur prise dans les cheveux . . . et sur tout le corps et dans ses habits fripés,  sales et déchirés, sans compter ce bestiau qu’il trimbale, en s’échappant de la cale du cargo en provenance de Cotonou ou de Lomé ? le camionneur / ? qui l’aurait pris sur l’autoroute au Perthus ou après la frontière et juste après le transport en camionnette à la Junquera, village frontalier,  plus grands bordel d’Europe, Eldorado du sexe ? ? ? ? / le chauffeur aurait eu les narines défoncées, sans doute, à ce point, pour ne rien sentir et ne rien demander ? d’abord, il aurait marché, bipède sur l’épaule et apitoyé un brave soiffard qui allait acheter son stock de pastis moins taxé en immédiate Catalogne-Sud, en toute tranquillité et pris ensuite encore un semi-remorque slovène portant du lait . . . . , puis remarché de nouveau jusqu’ici, ce fou ?

je n’y crois pas.

Il m’a expliqué tout ça à sa manière et par petits morceaux, et je ne suis pas du tout sûr que ce soit la vraie vérité; et d’abord il ne m’a presque rien dit de son évasion du cachot dans la cale du premier cargo avec lequel il était parti à Bissau, où il a été assommé et enfermé, d’après son  propre témoignage écrit, ici-même, sur Marsam quand il était avec la meuf qui se mettait nue au hublot et après sa déconvenue de Barcelone.

Il m’a surtout regardé de travers quand je lui ai dit que je l’avais déjà rencontré, sans qu’il le sache, à Cuba (heureusement je ne lui ai pas dit que c’était chez le Docteur Roberto Hui, celui qu’on appelle Arturo, comme dans la pièce). Mais d’ailleurs, j’ai eu tort de lui parler de Cuba, c’était un peu tôt. A moins qu’il ait eu, ce que je ne crois pas, le temps de lire ma dernières contribution à cette foutue histoire du Fils de Dio où je suis, et comment ! partie prenante, c’est un inconvénient majeur du récit que l’on fait de ses propres aventures, et en direct, sans avoir le temps d’y réfléchir, mais je suis d’accord avec ce que disait, paraît-il, mon vrai père pour l’instant porté disparu : c’est aussi une garantie gravée sur tablettes et totalement au vu et au su de l’univers, surtout rapportée sur ce truc incroyable qui a nom « Marsam » . . . s’il arrive quelque chose, dans nos vies un peu suspendues à tant d’aléas, soumises à la tromperie, la mauvaise ruse, l’irresponsabilité généralisée et la terrible cruauté du monde.

Bref en plus d’être passé loufdingue il est arrivé avec un oiseau pas dans la tête mais à côté, posé de ses griffes sur l’épaule, un oiseau parleur . . . dans les gris . . . queue rouge, œil rond jaune,  criard et secouant les ailes, l’air courroucé . . . une odeur de banane et d’ananas et cet oiseau parleur, de quoi  réveiller de bien vieilles histoires de flibuste et . . . /

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