Une tempête soudaine effaça tout. Plus de suspicion, plus d’enquêtes, plus de paranos, plus rien. La tempête, ici, remplaçait tout, écrasait tout, transformait les humains en minuscules termites apeurés. Termite, donc, je restais ce mauvais temps là claquemuré dans une cellule ancienne et très reculée de mon étrange château. Maîtrisant les techniques de traitement post-traumatique, évidemment, je me les appliquais scrupuleusement pour soigner mon obsession. Malheureusement, je savais que si le traitement permettrait sûrement de calmer cette pulsion folle pour l’odeur d’une créature imaginaire, il réveillerait aussi sûrement des couches inférieures, des traumas anciens… Je devais prendre le risque si je ne voulais pas perdre la tête. J’y reviendrais plus tard…

La tempête se calma. Je sorti prudemment, car une fois précédente, j’avais risqué l’écrasement sous une avalanche de roches déclenchée par la simple ouverture de la grande porte extérieure. Je ne sais pas pourquoi, contre toute logique, je regardais partout, mais pas pour constater les dégâts nouveaux que j’aurais bien du mal à dissocier de la décrépitude naturelle de l’édifice, mais pour chercher une lettre de David. Comment aurait-elle pu arriver dans la tempête ? Suis-je idiot ? Et bien évidemment, il n’y avait rien. De dépit, je retournais à l’intérieur et fouillais mes archives, trouvant l’une qui m’avait impressionné.

Je sortis avec ce bout de fiction. Qui croirait de telles choses ? Je suffoquais en tentant de la lire… Hé oui, on vient ici pour respirer, mais non, on y respire pas, pas d’air à cette altitude, que du vent. Va comprendre ? Je plaisante, mais le paradoxe m’avait perturbé, les premiers temps, et surtout les premières tempêtes, de ces tempêtes qui te tombent dessus en une minute, même pas, et qui repartent comme celle-ci, tac ! en laissant encore un résidu de vent tranquille, mais suffisant pour m’empêcher de bien déplier cette lettre… Je marchais, ou plutôt presque bondissais de dalles disjointes en dalles disjointes sur la grande terrasse jusqu’à son bort extrême, m’immobilisant face au vide aspirant pour relire la lettre.

Je me souviens de ma première lecture. J’avais dû relire pour bien goûter la qualité de l’euphonie. j’y cherchais quelque chose, sans trop savoir quoi. Un code ? Des bribes de ma propre vie ? Je ne sais pas…

C’est là, au bord de cette falaise inouïe, que le souvenir me prit. Je cherchais nerveusement dans ma poche droite, et alors que mes doigts trouvaient, fébriles, et tentaient de sortir le vieux Zippo, seul feu résistant au climat, j’oubliais ma main gauche, sans doute, et la lettre s’envola. Je n’en pris pas conscience tout de suite. Les pulpes de mes doigts gardant encore la sensation rémanente de l’épaisseur du papier. Mais je vis la feuille virevolter devant moi, à quelques mètres, dans le vide, définitivement hors d’atteinte. j’eu un coup au cœur, comme si je chutais et eu un réflexe de recul qui me fit presque basculer sur une dalle. Ma main gauche restait tendue, bête, inutile, vide. C’était l’événement suffisant et nécessaire pour déclencher une très vieille envie.

Je rentrais vite, et fouillais dans de très vieilles caisses. Dans l’une, au fond, un coffret et dans celui-ci, quelques cigarillos défraîchis, de ceux que j’avais l’habitude de fumer lorsque j’étais saoul, en fin des trop longues nuits (véridique).

J’en portais un à ma bouche, regardais le ciel, loin, à travers l’atmosphère, et le Zippo fit son office.

Laisser un commentaire

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.