[dropcap]C[/dropcap]ette nuit, j’ai rêvé du yéti. Hum… Je… Je crois bien que c’était une femelle. On considère parfois qu’il faut au moins 500 individus pour conserver le potentiel génétique d’une espèce. Alors quoi ? Il y aurait au moins 500 yétis furtifs autour de moi, là et plus loin vers l’Est ? Pourquoi pas ? Après tout, la chaîne du toit fait une bonne part du globe. Je n’y suis qu’une poussière de poussière au milieu d’une grande vague tumultueuse de caillasses dominant le monde.

Au début, avant même de me faire des potes, de découvrir les lieux de boissons, et seulement saoulé par le vent, je crois en avoir vu un, de Yéti. Depuis, régulièrement, j’en rêve. Pourtant, une part de moi doute. Après tout, on m’a déjà pris pour le yéti, et même jeté des pierres. La première fois que j’ai voulu aller écouter le groupe d’acid punk formé par une bande de jeunes du village « … », ils m’ont vraiment jeté des pierres ! Ils m’appelaient « Bad Manshi » et en on fait une chanson.

Maintenant, je bois avec eux.

Mais ça se fait pas en un jour !

Pas facile d’avouer ça, de noter ici dans ce carnet qu’on est prisonnier d’un rêve entêtant d’une femelle yéti. Surtout que parfois, elle parle comme vous et moi… troublant. Pourtant, rien de compromettant ! Enfin… rien…

(Le type qui continue à faire mine qu’il s’intéresse pas au folklore local)

Hugh Knight  avançait au pas, chaque caillasse passée étant déjà une victoire. La tempête se calmait enfin et il envisageait de se poser une minute pour le bien de sa monture et de sa respiration quand il entra dans une petite crique protégée. Idéale. C’est là qu’il aperçut la chose : un immense singe s’enfuyant au bruit de l’éboulis qu’il venait de provoquer. Un singe, oui, mais un singe portant arc et flèches !

Hugh est-il fiable ?

Je ne sais pas. Déjà, je ne suis pas sur de moi, de ce que j’ai vu, alors croire les autres sur parole ! Et Tombazi, lui, qui observa longuement un grand truc nu arrachant des racines au bord d’une rivière aux environs du glacier de Zému.

Mais voyons ! Et cet autre, un autre Rivière (comme l’écrivain et le peintre), Jean Markes Rivière qui colporte à qui veut l’entendre qu’un érudit local, au-dessus de tout soupçon de canular, vit et décrit une race anthropoïde possédant outils et langage articulé. D’une langue inconnue.

Mais voyons !

Et puis… Et puis, mademoiselle Mc Donald a bien rencontré un mâle ! Pourquoi ne verrais-je une femelle ?

Alors, doit-on dire mâle et femelle si la chose porte arc, flèches et balance discours fluide conceptuel et articulé à qui veut l’entendre ? (Le type inquiet d’échapper à la zoophilie).

Comme c’est troublant ! Tout est troublant, ici. Et c’est bien la seule chose qui s’accroche dans ma tête, résiste au vent, cette idée fixe de Yéti.  Et quelques autres. Mais nous y reviendrons. Je me rends brusquement compte que je prends note, et qu’évidement j’ai oublié de dire que j’avais des courants d’air, des fantômes ET une bibliothèque. Je vous ferais le tour du proprio, un d’ces jours.

Avançons ! Je suis bien assis sur la chaise, solide, stable, ancrée, encrée, et je regarde fixement le bout de mes doigts bleuir de froid. Longtemps que le sang n’arrive plus dans mes mains. Mais c’est ça où ne pas écrire. J’ai essayé des positions de yoga, pour faire pseudo-couleur locale, genre cliché, mais franchement, pour écrire, prendre les notes indispensables, les notes, celles que vous lisez et les autres, qui ne vous concernent pas, qui concernent…

Donc, avant-bras trop hauts, main crispée sur le stylo, courant d’air glacé et mitaines rongées = doigts bleus. Parmi les notes autorisées (pour vous), celles extraites de la bibliothèque : « La lutte du vice-consul est une lutte à la fois naïve et révolutionnaire » pour une amie mienne qui faisait parti des dissoutes « brigades Duras ». Mais je parle trop, j’écris trop. Je vais vous compromettre, vous mettre en danger, vous alarmer et alarmer ceux qui tentent d’intercepter.

Restons en là pour aujourd’hui.

 

À suivre là…

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