Nous nous étions mis à deux pour la trouver.

Elle était apparue d’abord sous la forme d’un film qui n’existait plus mais avait été reconstitué plus tard comme un crime donnant envie, justement, d’aller y voir de plus près et de remonter à la source. Il est vrai que, comme souvent chez les peintres, ce n’est pas un secret, ça parlait de poils pubiens.

Et là c’est Trois Minutes qui avait été le meilleur. Trois Minutes qui était, en vrai, un faux pickpocket et un assez supportable poète élégiaque à presque plein temps. Il avait déjà publié, disait-il, et j’avais tendance à le croire, plusieurs recueils qui avaient nom :

« Matin de Fauche« , « Main dans les Poches » et « Petits Vols entre Amis c’est moche » 

et si c’était faux c’était en tout cas dans ses intentions de rattraper un personnage qu’il jouait assez bien, avec sa tête ridée aux commissures des lèvres et des yeux, ses cheveux gominés et crépus dont il arrivait à faire une crête, posé sur sa chaise, à côté de moi, mais se déplaçant souvent et maintenant assis à califourchon en face de moi, moi tenant le vieux portable de David, lui jouant de ses appareils donnés ou prêtés, si peu téléphones et si merveilleux, qu’il avait eu en prime et paiement, et pas volés, de je ne sais quels services rendus, au grand show de Barcelone

et donc s’y connaissait à fond en fouilles, quêtes, retournements et détournements, mais surtout c’était un as de la recherche sur la toile et là nous étions deux et surtout . . . la connexion, pas de vent, par chance et exception, était excellente sur notre mini-presqu’île rocheuse et perdue, située sous le courant d’une tour de retransmission lointaine et pas toujours accessible par nos machines, flux coupés par les pins, leurs aiguilles et leur troncs à rude écorce, peut-être aussi branchées sur des satellites au firmament déjà tombés en poussière et en bribes de métal tournoyant encore mais ne transmettant plus rien qu’un bruit monotone et inaudible ici.

Donc, un corps capté dans la lumière du magicien Man Ray, puis quelques photos d’archives américaines où apparaissaient ses seins nus emboîtés dans des récipients à sauce tomate, bien avant que Warhol ou Rauschenberg ne se mêlent d’en coller sur la toile,

puis des cuillères sur la peau et des chapeaux bizarres, passons,

et surtout, ce tuyau d’évacuation monté sur socle de bois

qu’elle avait exposé sous le nom de « Dieu », qui est encore à ce jour installé au musée de Philadelphie, à cette époque où les Français et son mari, revenu là-bas, Allemand entraient en guerre, l’Amérique aussi bientôt . . .

de là à dire que le soit disant « R.Mutt » qui avait adressé, anonymement en quelque sorte, la pissotière individuelle et posée à l’envers, celle qui allait être refusée et d’autant mieux chambouler l’univers, c’était elle . . . qui en aurait eu l’idée et qui l’aurait expédiée, désargentée, ruinée et n’ayant plus que le titre laissé par son époux,  l’aurait signée d’un calembour pour la voir exposée dans un salon des excentriques d’avant garde où on n’aurait dû refuser personne, d’un calembour qui veut dire « misérable » en allemand,

dada

elle, baronne Dada, la mariée et ses célibataires autour,

dont Marcel qu’elle semblait ou déclarait aimer tant et appelait dans un de ses poèmes parfaitement déchiffrable :marcel

« mon Cul », en écho peut-être au sens un peu leste du « mutt » en anglais, cette fois . . .

Jeux infinis.

Mais qui donc, en clair et concrètement, lui avait rasé le con dans ce film introuvable ?

Voilà les spéculations où nous en étions venus, Trois Minutes et moi, sur ces époques reculées où nous essayions encore – bien qu’il n’y parut pas – de trouver, écrit d’avance, mais dans une eau et sur un verre assez peu transparents, le destin de la chaise bleue aussi énigmatique que l’était se sacré Marcel et ses mythes qui ont tout cassé et aiguisé beaucoup plus tard encore, notre jeunesse.

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Comment avions-nous pu nous ignorer jusque là, Trois Minutes et moi,  indigne fils de Dio ? Nous en étions venus à être amis comme de longue date et à parler de tout autre chose et plus précisément, en cette fin d’après-midi de vent marin attiédi, bien qu’en Février, de Patricia qui n’avait rien à voir, Patricia, celle qui avait généreusement envoyé quelques illustrations à David pour enluminer son récit.

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Justement tiens, il me lisait (je n’oublie pas, je vous la dois) sa biographie officielle :

( à suivre)

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