[dropcap]I[/dropcap]nutile de me lever pour aller voir.
A quoi bon ? Je ne verrais rien de plus . . . J’avais déjà fait le tour de cet objet et l’avais même identifié, mesuré et exploré autant que faire se pouvait, vu les difficultés de son emplacement et compte tenu de ses parois vibrantes.

J’ai allumé ma tablette sans faire de bruit pour ne réveiller personne. Elle me servait de lampe et j’avais coupé tous les sons, même les plus liquides, agréables, légers. Ma compagne dormait et nos amis venaient de faire un très long voyage, ils devaient être assez épuisés pour ne pas, dans leur sommeil décalé mais profond, s’éveiller; il fallait prêter attention à mes pas, les poser sur la pointe du pied nu, choc assourdi en amortissant, en déroulant l’appui sur le carrelage.

Je n’avais pu en parler à personne et tenais à effectuer seul mes recherches. Il était bien trop tôt pour aller raconter ce qui m’était arrivé, ça ressemblait trop pour l’instant à la mise en route d’un conte pour enfants. Personne n’aurait pu croire qu’une histoire pareille, simplement incongrue, invraisemblable, m’était réellement arrivée dans cet espace mal entretenu et cultivé par mes soins intermittents aujourd’hui mais humanisé et domestiqué depuis tant de siècles par les planteurs d’oliviers qui en avaient tiré des centaines de milliers de litres d’huile sur des générations et par les pasteurs et avant eux les chasseurs semi-nomades qui la traversaient depuis des millénaires.

A aucun moment cependant je n’avais la faiblesse de croire que c’était un conte que j’avais rêvé ou imaginé en état de fièvre et qu’allait disparaître de mon champ d’action ce coffre intempestif et intrusif, disparaître comme il était venu, aussi brutalement et tout aussi inexplicablement et se dissoudre ou s’évaporer en vapeurs nocturnes dissipées par un nouveau jour. Je savais bien qu’il était implanté au fond de mon jardin, objet réel invisible et dur auquel s’étaient heurtés mes outils;

il était tout sauf l’illusion d’un songe.

Au bout d’un moment, cependant je ne pus résister à l’envie d’aller le « revoir » même si ce terme justement pouvait paraître inapproprié.

Je sortis dans l’air frais. L’allée qui conduisait au fond maintenant bien dégagée de ronces et de broussailles par mes soins, je n’eus aucun mal à m’y rendre. En approchant tout prêt de l’objet – j’avais eu peur cependant, n’ayant pu le matérialiser et le rendre perceptible à l’œil par un signal, d’avoir un peu de mal à retrouver l’endroit exact où il était planté – je fus étonné de percevoir qu’une vague lueur rougeoyante éclairait les buissons; je contournai la forme qui se découpait sur ce halo, ce fond de lumière, et c’était bien celle d’un coffre agrémenté d’une double corniche, posé sur piédestal telle que je l’avais imaginé quelques heures auparavant à partir de mon seul toucher.

Mieux, elle projetait derrière elle, en découpes lumineuses, des caractères déformés sur le fond de végétation.

J’eus des difficultés à passer ma tête sans me cogner ou m’égratigner. Je passai le buste et placé un peu de biais, mais bien en face de cette surface imperceptible mais découpée en caractères bien alignés et dessinés dans le vide, je lus nettement une inscription en signes éclairés.

                                                                                    

Laisser un commentaire

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.