. . . dans une activité fébrile et débridée dont je ne pourrai qu’à peine rendre compte, . . . tenu de dire pour l’instant le fondement économique du tour que cela prit tout à coup, . . .

. . . l’hôtesse aimable et empathique qui m’avait apporté un tabouret dans la salle blanc clinique ( si vous n’y êtes pas vous pouvez vous reporter à l’épisode anté-précédent ), voyant que j’étais si mal assis, en quelque sorte à l’envers, dos tourné vers le repose-bras du prie-Dieu et regardant de là l’entrée du bureau du chef-payeur ; oui, c’était une contorsion malgré la pose rigide et droite, tête et nuque un peu inclinées en avant et cuisses ou plutôt genoux remontés presque à hauteur des yeux par l’assise ras du sol.

                                                                    X   X    X     X    X

Installé maintenant sur ce tabouret vert en fer, genre de ceux qu’on met dans les salles de bain, pas vraiment pour le confort maximum, juste pour ne pas poser son slip par terre avant d’entrer dans la douche, j’étais à peine légèrement mieux mais je commençais alors à pressentir jusqu’au fond des pieds agités par l’impatience que je n’obtiendrais, même  en insistant, rien de plus.

acrobate

Pas un kopeck n’allait tomber rôti en ce jour cuit.

Comme je lui avais tout raconté, mes épisodiques prestations d’acteur médiocre exultant de bonne volonté, mes grandioses productions de scénarios enthousiastes, débilement typés, genre « Carmen » et castagnettes, improvisés en sous-Bizet parodiquement nuls, exclusivement dédiés à la gloire plagiaire du plus noble cognac produit en Espagne, mes espoirs de gains à venir planifiés en rémunérations rares, réduites mais régulières au fil des épisodes enregistrés, elle avait compati profondément, d’autant qu’elle même attendait depuis quelques semaines une gratification qui tardait à venir, au point de forcer avec moi un petit tiroir du bureau de celui qui avait le grand tort, moche qu’il était déjà, dégoulinant de fausses manières et promesses, d’être si mauvais payeur et de ne pas être là . . .

. . . et d’emporter avec moi, oui . . . . elle désirait fermement m’accompagner, à ce moment-là de sa vie –  et certes, à ce moment-là, nous étions loin d’imaginer où – . . . . la somme que nous avions comptée et recomptée, enfermée dans sa boîte encore un peu poisseuse de turron blando, ce nougat mou que le grand manager en chef aux chairs fatiguées, offrait avant chaque séquence de tournage, pour velouter la voix, la napper de douceur mielleuse et amandine, disait-il, ce faux-jeton lui-même, tremblotant et mollasson, magot un peu court et bien insuffisant que nous allions emporter, trébuchant à chaque fois sur l’inattendue et trop maigrelette somme de deux-mille deux-cent vingt-deux dollars virgule vingt-deux en petites coupures et en « cents« , ce qui allait, tout compte fait, nous faciliter, mais assez peu généreusement, un début modeste d’expédition, puisque nous partirions ensemble, au milieu des marchandises, nous ne le savions pas encore . . . loin de cette Europe convoitée, aux confins de l’Afrique misérable et de l’Océan poissonneux, là où certains hippopotames envahisseurs des îles pour l’instant oubliées, batifolent, comme d’autres dans les fleuves boueux, dans les vagues écumeuses et mantes de l’eau transparente et salée, et devrions compter nos sous, pour financer pas à pas et peu ou prou, cette aventure, échevelée, idyllique et retournée comme cette image que j’ai gardée d’elle, là-haut,  derrière le hublot  du cargo, pantelante,  généreuse,  nue,  mais assez piteusement, vu le prix des choses et de nos agitations extravagantes, sou à sou.

Laisser un commentaire

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.